On ne peut pas habiter à Cholula sans voir quasi en permanence les hautes montagnes qui nous entourent. Parmi elles, deux attirent l’œil par leur forme particulière, semblant émerger soudain du plateau pour séparer les villes de Mexico et de Puebla.
Le Popocatepetl (en langue Tlaxcaltèque, le peuple local pré-hispanique, cela signifie « La montagne qui fume ») et l’Iztaccihuatl (« la femme qui dort ») sont les principaux volcans autour de Puebla. De notre balcon on voit bien la fumée du « Popo » (nom qu’Oscar apprécie particulièrement) qui dessine quelques moutons blancs dans le ciel d’azur. Les deux culminent à plus de 5000m, ce qui en fait des éléments incontournables du paysage local. Et leur forme particulière, un pic parfaitement droit pour le Popocatepetl et une série de petits sommets et cols qui évoquent une femme allongée sur le dos) s’explique par une belle légende, parfaite pour s’endormir en rêvant.
Comme dans beaucoup de légendes, cela démarre par une princesse et un guerrier. A cette époque lointaine les montagnes n’étaient pas encore bien formées dans la région de l’Anahuac où régnait le peuple des Mexicas. Dans la grande ville de Tenochtitlan naquit une princesse du nom de Mixtli. Elle était la fille unique de Tizoc, le Tlatoani (« empereur ») des Mexicas, qui l’aimait donc au-delà de tout. Elle était belle comme le jour, et en grandissant elle avait comme il se doit de très nombreux prétendants, tous plus audacieux et intrépides pour conquérir son coeur. L’un deux, Axooxco, un jeune homme puissant et ambitieux, était particulièrement décidé à triompher de ses concurrents, d’autant plus qu’il avait la préférence de son père. D’un naturel violent et sanguinaire, il n’attirait cependant pas du tout la princesse, qui avait au contraire un penchant pour un valeureux soldat de son père du nom de Popoca. Il n’était pas un prince, mais il était vaillant et brave, et brulant d’amour pour Mixtli. Les deux amants décidèrent de demander à s’unir pour la vie. Mais le père de Mixtli ne souhaitait pas cette union peu honorable. Il n’osa cependant pas offusquer sa fille par un refus, et trouva un stratagème pour se sortir de cette délicate situation. Il promit que Popoca pourrait épouser sa fille s’il revenait vivant d’une guerre particulièrement dangereuse, et méritait par sa bravoure le titre de « Chevalier-Aigle ».
Le jeune homme partit donc plein d’espoir, s’en remettant aux dieux et promettant à Mixtli de revenir vainqueur. Hélas la guerre était longue, et Axooxco, demeuré sur place, décida d’assurer sa victoire avant le verdict des dieux. Pour obtenir la main de Mixtli et alors que l’armée revenait, il fit courir le bruit que Popoca était mort au combat, et s’arrangea pour que la princesse l’apprenne. Foudroyée par cette nouvelle, l’amante désespérée ne trouva plus le courage de vivre et se laissa mourir.
Quand Popoca revint victorieux, il trouva donc le corps de sa belle étendu sans vie. Eperdu de chagrin et incapable d’accepter cette séparation il pris la princesse dans ses bras et l’emmena dans la montagne où il construisit un énorme tumulus et l’étendit au sommet. Fidèle à sa promesse de rester auprès d’elle toute sa vie il la veilla nuit et jour, s’éclairant la nuit d’une torche pour voir encore ce visage qu’il aimait tant, ne désirant que la rejoindre dans son sommeil éternel.
Les dieux, touchés par le funeste destin des amants, décidèrent alors de les unir pour toujours. Ils les changèrent en pierre, figeant leur posture pour l’éternité, l’un dressé et l’autre couchée, et la neige couvrit de son manteau blanc les deux amants. Mais cela ne suffit pas totalement à figer le cœur ardent de Popoca, qui parfois, lorsqu’il pense à son amante, s’embrase, faisant jaillir de la fumée de son sommet. C’est ainsi qu’ils devinrent ces montagnes qui dominent de leurs formes inspirantes les plateaux alentours.
Preuve de leur dimension magique, les deux volcans devinrent des lieux de culte, puisque s’y trouvaient le temple de Tlaloc, dieu de la pluie et le temple de Chalchiuhtlicue, déesse de l’eau des lacs, des fleuves et de la mer où leurs larmes fertiles terminent leur course.
Et pour le clin d’œil, lorsqu’on est allés admirer le coucher du soleil sur le « Popocatepetl » depuis le sommet de la Grande Pyramide de Cholula, on a vu se dessiner pendant quelques instants dans le nuage de fumée qu’il dégageait un saisissant profil d’homme casqué de blanc, semblable à celui du valeureux guerrier. Et vous devinerez sans peine de quel côté ce profil était tourné…