Imaginez un espace vous permettant de revenir lors d’une cérémonie dans « le ventre de la Terre mère » et de vous débarrasser de toutes vos impuretés pour que la Terre les recycle. Encore un rêve new age ? Non, un Temazcal.
Le rite du Temazcal, qui signifie en Nahuatl «maison des pierres chaudes », ou hutte de sudation, est un des rites pré-hispaniques les mieux préservés de nos jours. Utilisé aussi bien par les Aztèques que par les Mayas, cette cérémonie dans une sorte de « hammam » a pour vocation originale de permettre la purification du corps et de l’esprit des guerriers, pour leur permettre de se préparer mentalement avant une guerre, et de se « nettoyer » physiquement et spirituellement en revenant des combats.
La croyance veut en effet que la Déesse de la Terre Mère, Tlazolteotl se nourrisse de tout ce dont nous voulons nous débarrasser, pensées ou émotions négatives, toxines du corps, et le transforme en énergie positive. C’est aussi la Déesse des Mères, et en ce sens le lieu du Temazcal est l’équivalent de la matrice d’une femme enceinte dans laquelle on est invité à rentrer pour en sortir renouvelés.
Dans sa version traditionnelle comme nous avons eu la chance d’en faire l’expérience, le Temazcal est donc une cérémonie chargée de symboles pour permettre cette « renaissance ».
Comme tout rituel Aztèque, la cérémonie commence la veille par une demande à la Terre Mère pour dresser la hutte : creuser un trou au centre dans la terre puis monter une hutte ronde très basse (4m de diamètre et 1m20 de haut) faite de bambous entrelacés et recouverts d’épaisses couvertures, avec juste une petite ouverture au ras du sol.
Une seconde étape consiste à préparer devant la tente un autel de terre sur lequel seront déposés les offrandes et les objets que l’on souhaite charger d’énergie ainsi qu’un grand feu entourant 52 pierres volcaniques. Ces pierres sont appelées « Abuelitas » (petites grand-mère) car elles symbolisent la sagesse emmagasinée au fil des millions d’années et sortant du plus profond de la terre. Il y en a 52, correspondant à 4×13 lunes, ce qui est un cycle solaire dans le calendrier Aztèque.
La cérémonie suivante marque le début du Temazcal en lui-même : les « Abuelos y abuelas », les anciens, se rassemblent devant le feu et les participants forment un cercle autour d’eux. Le « Temazcalerio » ouvre la cérémonie en souhaitant bienvenu à chacun, puis en demandant aux Dieux de nous accompagner dans ce rite à l’aide d’un chant rituel au tambour et d’une « concha » (gros coquillage) dans laquelle il souffle 4 fois pour s’adresser aux quatre directions cardinales.
Les Abuelas ont chacune un petit brasero de Terre cuite, le « comal », et commencent par purifier la hutte à l’aide de fumée de résine de Copal.
Les Abuelos vont ensuite tous ensemble allumer le feu et y jeter une pincée de tabac avec des incantations aux esprits.
Une fois les pierres bien chaudes, il est temps d’entrer dans la hutte, les femmes d’abord puis les hommes, là encore en demandant la permission à la Terre pour participer et en l’embrassant sur le seuil de son « ventre ».
Dans la hutte nous sommes assis en 2 cercles concentriques autour du trou où sont déposées une à une les pierres rougies par le feu. Chaque nouvelle pierre apportée est saluée par un « bienvenida Abuelita ».
Le rituel intérieur se décompose en 4 temps d’ouverture et de fermeture de la hutte, les « Puertas » (portes) qui correspondent aux 4 éléments. A chaque porte on rajoute 13 pierres, pour un total de 52, et chaque porte doit durer 13minutes.
Une fois tout le monde entré et les pierres déposées au centre la « porte » est fermée, dans une obscurité totale à part le rougeoiement des pierres brûlantes. Il fait vite chaud et humide, et on se sent en effet dans un cocon proche du ventre primitif.
Le « Temazcaliero » ajoute sur les pierres des herbes médicinales (sauge blanche, cèdre, racine d’Osha, foin d’odeur et copal), dont la première nous fait abondamment pleurer, ainsi que de l’eau, pour créer des nuages de vapeur odorante et brûlante qui font monter la température de la hutte à des hauteurs vertigineuses au fil des portes.
La première Porte est celle de la Terre, qui est la matrice qui nous accueille et le sol sur lequel on est tous assis, qui va accueillir toutes nos impuretés, la seconde celle de l’eau, qui est versée sur les pierres et sort également de notre corps, nous lavant de l’intérieur, la troisième, celle du feu, qui purifie notre esprit par sa chaleur, et la quatrième celle du vent, qui aère la hutte surchauffée et permet de redescendre en douceur, balayant avec lui les derniers restes de nos impuretés.
A chaque porte il y a quatre chants dédiés aux Abuelos et aux Dieux, qui sont effectués avec le tambour, dans des rythmes toujours plus rapides, permettant de se concentrer sur le bruit plutôt que sur la chaleur ressentie.
C’est pour autant physiquement assez difficile, je suis vite en nage, trempée de sueur, et lors de la troisième Porte, celle du feu, la chaleur est telle qu’elle me brûle les poumons et qu’il me faut m’allonger au sol (toujours plus frais) pour pouvoir respirer. Mais c’est ce qui fait la force de cette expérience, car on sent physiquement tout ce qui « sort » de notre corps et de notre esprit emmené par les tambours.
A la fin de la quatrième porte chacun est invité à sortir, encore une fois en demandant la permission, puis à prendre une poignée de tabac et la mettre dans le feu sacré en y déposant ses vœux, avant de partager une tasse d’infusion pour se réhydrater. Certains prennent aussi une douche glacée pour mieux raffermir le corps et réveiller l’esprit. C’est un moment de réveil en douceur.
Avant de repartir dans le monde avec les yeux d’un enfant qui sort du ventre de sa mère.
Pour ma part ça a été un moment très fort. C’est intense, et à la limite de l’insupportable, mais c’est justement ce qui permet un travail en profondeur. Je me sens extrêmement bien en sortant, très détendue. Je suis sereine et apaisée, comme après un grand rêve éveillé, et j’ai en effet la sensation d’être partie très loin et revenue. Mon corps a tellement chauffé que je n’ai absolument pas froid malgré la nuit, comme si j’irradiais de la chaleur. Pour les bénéfices constatés j’ai passé une excellente nuit, ma peau est douce comme celle d’un nouveau-né, et la sérénité a perduré…